Miracle à Milan
- il y a 2 mois

Le cinéma en Lombardie
Milan ne peut pas se vanter d’un passé glorieux dans l’histoire du cinéma en Italie, contrairement à Turin, Naples, et naturellement Rome, qui dès les années 1930 devint le centre incontesté de la production cinématographique. Milan a pris sa revanche avec l’avènement des chaînes de télévision privées et la centralisation opérée par Silvio Berlusconi à partir de 1976 qui aboutit à la création de Mediaset, concurrent de la Rai. Centre dès lors de production audiovisuelle, Milan connaît l’émergence de nombreuses entreprises où se forment techniciens et artistes. C’est ainsi que dans la société fondée par Bruno Bozzetto, lui-même auteur de dessins animés – dont le célèbre Allegro non troppo, 1976 confluent Guido Manuli et surtout Maurizio Nichetti, dont la totalité de l’oeuvre cinématographique, à partir de Ratataplan en 1979, a Milan pour épicentre.
Avant eux, Ermanno Olmi, originaire de Bergame, s’était formé presque en autodidacte pendant les années 1950 en réalisant artisanalement des courts-métrages. La majeure partie de son oeuvre a pour cadre sa terre, dont le magnifique L’albero degli zoccoli (L’arbre aux sabots), Palme d’or à Cannes en 1978.
On quitte Milan… pour y revenir.

C’est le cas de deux des principaux cinéastes italiens actuels, nés à Milan mais qui se sont formés ailleurs, Marco
Tullio Giordana à Rome, Silvio Soldini à New York. Leurs premiers films, au début des années 1980, sont situés à Milan,
où ils reviennent périodiquement tourner par la suite.
C’est une tradition ancienne. Luchino Visconti, sans doute l’un des Lombards les plus célèbres dans le domaine du spectacle – mises en scène d’opéras à la Scala et chefs-d’oeuvre cinématographiques – collabore avec Jean Renoir à Paris en 1936. Lui, l’aristocrate venant de l’Italie fasciste rencontre le cinéma et le Front Populaire, une double expérience déterminante pour sa carrière. En 1960, il réalise à Milan Rocco e i suoi fratelli (Rocco et ses frères). L‘année précédente, sort sur les écrans italiens Il vedovo (Le veuf) d’un autre milanais, Dino Risi, qui s’est formé localement en réalisant des courts-métrages et en assistant d’autres cinéastes lors de tournages plus ambitieux, avant de migrer pour la capitale en 1951. Luigi Comencini, né à Salò, sur la rive lombarde du lac de Garde, suit un chemin analogue. Après un court-métrage dans les ruines de quartiers de Milan encore marqués par la guerre Bambini in città (Les enfants dans la ville ) – 1946, qui révèle déjà son intérêt pour les thématiques liées à l’enfance, il retrouve Milan où il réalise Delitto d’amore (Un vrai crime d’amour), présenté en compétition à Cannes en 1974.
Des histoires… marquées par l’Histoire.

Même si le nombre de films tournés en Lombardie ne supporte pas la comparaison avec ceux qui ont Rome pour cadre, Milan et sa région offrent une vue différente sur les tensions et les conflits en acte dans l’Italie de l’après-guerre à nos jours. C’est en Lombardie que s’achève l’histoire du fascisme et la libération de Milan marque la fin de la guerre. C’est Milan, ville industrielle par excellence, qui déclenche la fièvre de la reconstruction et du miracle économique. S’ensuivent les problèmes liés à l’immigration méridionale, à l’antagonisme culturel avec Rome et le Sud en général, ainsi que les conflits sociaux et politiques de la fin des années 1960 et de la décennie suivante. C’est à Milan, symbole de la modernité, que se manifestent les difficultés liées à la vie dans les grandes métropoles contemporaines et les inégalités qu’elles comportent.
C’est à ce voyage dans le temps que nous vous invitons.