Story of MAMMA ROMA
Mamma Roma, est à la fois le délayé de ce que les gens de bon goût ne goûtent pas dans le cinéma de Pasolini -outrance, latinité forcenée, symbolisme grossier et misérabilisme - et le condensé de ce que nous avons le mauvais goût de trouver bon dans son œuvre : l'originalité d'une structure narrative, la réinvention de types, le franc-parler cinématographique et le prosaïsme comme fait de poésie.
Mamma Roma, au sortir de ses répétés déboires sentimentaux, se retrouve invariablement sur le trottoir - ou plutôt le boulevard - et reprend, leitmotiv d'effet à la fois tragique et comique, de fonction à la fois dramatique et critique, sa déambulation énergique et son monologue la veille interrompu, accompagné chaque fois par l'un des plus longs mouvements de caméra qui soit, panoramique et recadrages délirants, lui permettant, tout au long de cette marche excessive, de passer, au gré des rencontres avec d'autres passantes nocturnes ou passants de circonstance, du rire au désespoir, du souvenir au rêve, de l'insulte à la confidence, bref, de passer, sans rupture de la forme, de sa dimension prosaïque de mère-prostituée à sa dimension onirique de femme-maîtresse face à son destin, jouée par lui et le défiant d'autant. Ainsi, tout au long de ces nuits romaines, Mamma Roma (Anna Magnani) accède-t-elle irrésistiblement à la fonction de prophétesse inspirée de son fils qui finira, en prison, roué de coups et battu à mort, par mourir les bras en croix…
Ceci nous livre exemplairement l’un des caractères essentiels de la narration pasolinienne : le passage (à la fois souple et aigu) d'un plan de signification à un autre : du terre à terre à la métaphore, du cliché à l'image, d'une vision presque obscènement néo-réaliste de la réalité la plus quotidienne à une transgression exaltée des signes, qui est dès lors authentification et maintien des significations immédiates, et en même temps recouvrement et élucidation de leur portée symbolique et de leur vérité poétique. Autrement dit, la narration joue le rôle d'un tremplin qui fait passer chaque situation du plan des contingences matérielles et psychologiques à celui des significations critiques, sociales, de celui-ci à celui de la valeur historique, et de celui-ci enfin à l'absolu de la parabole. Le cinéma de Pasolini est, comme toute poésie, transaction.
Jean-Louis COMOLLI, Cahiers du cinéma, n° 169, août 1965
Le second film de Pasolini se déroule comme Accattone (1961) dans les mêmes faubourgs sous-prolétariens de Rome, avec les mêmes personnages : des pauvres et des marginaux. Et puis il y a Anna Magnani, admirable interprète de cette putain repentie, devenue pour toujours la « Mamma Roma ».
MAMMA ROMA
Mamma Roma, est à la fois le délayé de ce que les gens de bon goût ne goûtent pas dans le cinéma de Pasolini -outrance, latinité forcenée, symbolisme grossier et misérabilisme - et le condensé de ce que nous avons le mauvais goût de trouver bon dans son œuvre : l'originalité d'une structure narrative, la réinvention de types, le franc-parler cinématographique et le prosaïsme comme fait de poésie.
Mamma Roma, au sortir de ses répétés déboires sentimentaux, se retrouve invariablement sur le trottoir - ou plutôt le boulevard - et reprend, leitmotiv d'effet à la fois tragique et comique, de fonction à la fois dramatique et critique, sa déambulation énergique et son monologue la veille interrompu, accompagné chaque fois par l'un des plus longs mouvements de caméra qui soit, panoramique et recadrages délirants, lui permettant, tout au long de cette marche excessive, de passer, au gré des rencontres avec d'autres passantes nocturnes ou passants de circonstance, du rire au désespoir, du souvenir au rêve, de l'insulte à la confidence, bref, de passer, sans rupture de la forme, de sa dimension prosaïque de mère-prostituée à sa dimension onirique de femme-maîtresse face à son destin, jouée par lui et le défiant d'autant. Ainsi, tout au long de ces nuits romaines, Mamma Roma (Anna Magnani) accède-t-elle irrésistiblement à la fonction de prophétesse inspirée de son fils qui finira, en prison, roué de coups et battu à mort, par mourir les bras en croix…
Ceci nous livre exemplairement l’un des caractères essentiels de la narration pasolinienne : le passage (à la fois souple et aigu) d'un plan de signification à un autre : du terre à terre à la métaphore, du cliché à l'image, d'une vision presque obscènement néo-réaliste de la réalité la plus quotidienne à une transgression exaltée des signes, qui est dès lors authentification et maintien des significations immédiates, et en même temps recouvrement et élucidation de leur portée symbolique et de leur vérité poétique. Autrement dit, la narration joue le rôle d'un tremplin qui fait passer chaque situation du plan des contingences matérielles et psychologiques à celui des significations critiques, sociales, de celui-ci à celui de la valeur historique, et de celui-ci enfin à l'absolu de la parabole. Le cinéma de Pasolini est, comme toute poésie, transaction.
Jean-Louis COMOLLI, Cahiers du cinéma, n° 169, août 1965
Le second film de Pasolini se déroule comme Accattone (1961) dans les mêmes faubourgs sous-prolétariens de Rome, avec les mêmes personnages : des pauvres et des marginaux. Et puis il y a Anna Magnani, admirable interprète de cette putain repentie, devenue pour toujours la « Mamma Roma ».
- RéalisationPier Paolo Pasolini
- ScénarioPier Paolo Pasolini, Sergio Citti
- ImageTonino Delli Colli
- MontageNino Baragli
- MusiqueAntonio Vivaldi, coordination musicale Carlo Rustichelli
- Producteur (s)Alfredo Bini
- ProductionsArco Film, Cineriz
- Distribution FranceCarlotta Films
- InterprètesAnna Magnani, Ettore Garofalo, Franco Citti, Silvana Corsini, Luisa Loiano, Paolo Volponi, Luciano Gonini, Vittorio La Paglia, Piero Morgia, Franco Ceccarelli, Marcello Sorrentino, Sandro Meschino
- Année1962
- Durée1h 50
- Pays de productionItalie
- FormatVOST
- CitationSouviens-toi que celui qui paie est toujours riche