ACCATTONE

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ACCATTONE

Pier Paolo Pasolini

1h 55min
1961
Story of ACCATTONE
ACCATTONE  

« La vraisemblance je lui tords le cou », dit à peu près Hitchcock. « Si on me montre au cinéma des gens que je peux rencontrer au café, dit à peu près Renoir, je préfère aller au café. » Hitchcock et Renoir ont de la chance, ils ne sont pas Italiens. Mais qu’un Italien se mêle de faire du cinéma, et aussitôt on l’attend à l’arrivée, matraque à la main on fouille ses images, on exige label et mot de passe : Néo-réaliste ou pas néo-réaliste ? Ah ! ah ! mon ami, vous nous refilez un maquereau, mais ce n’est pas un vrai maquereau… » L’identité du monsieur révèle qu’il est romancier, qu’il en est à son premier film. Alors là, on ne se retient plus, on lui fait la leçon : « Voyons, mon cher, vous n’y êtes pas, c’est littéraire, vous visez trop haut. Et cette musique de Bach, à temps, à contretemps… Vous n’êtes pas Bresson, vous feriez mieux d’imiter des choses simples, chaudement humaines, Zavattini, par exemple, au lieu de vous désincarner… » […]

Eh bien ! oui. Accattone est tout Je contraire d'un film de Rouch ou de Leacock. C'est un film construit, préparé et même laborieusement mis en scène, on le sent à plus d'un endroit. C'est aussi, pour un premier film, un film ambitieux et, pour être tout à fait sincère, je m'empresse de dire que le résultat n'est pas toujours à la hauteur de cette ambition : il manque quelques pierres, à l'édifice. C'est d'autant plus regrettable que Pasolini a misé sur l'ordre et non sur les charmes du chaos.

Mais c'est peut-être aussi la preuve, a posteriori, de la sincérité qu'on lui conteste. […]

Au fond, on aurait voulu qu'il se serve de sa caméra pour suivre son type, comme Rossellini. Or, Pasolini ne le suit pas. Il l'attend, il va le chercher. Tantôt il le précède, tantôt il l'accompagne. Le voilà, l'écrivain. Il est à contre-courant de tout ce cinéma moderne qui va de Bresson à Rouch, en passant par Rossellini et Godard, cinéma qui s'interdit de prévenir, de prévoir les gestes de l'acteur. Cinéma où l'auteur attend que ses personnages et son décor lui jouent des tours, lui fassent des surprises.

Mais il y a une tout autre famille de cinéastes qui, de Mizoguchi à Astruc, en passant par Rivette, cherche à prévoir et à prévenir, à orchestrer ce qui va apparaître. […]

Accattone est l'histoire d'un éblouissement. C'est une vision fulgurante, comme le soleil d'Hiroshima, qui pouvait fondre un amour neuf dans un amour ancien. Où est la psychologie classique en tout cela ? Où est la progression dramatique ? Nous, avançons par bonds, par mutations brusques. Nous sommes dans la psychologie atomique, exposés aux radiations qui vous foudroient et vous illuminent. Je pense qu'on peut au moins s'accorder à reconnaître la constante beauté de ces illuminations. Beauté des acteurs, entre la nonchalance et le sursaut. Beauté de la lumière qui transfigure les objets les plus sordides (la verroterie sous le soleil). Beauté de la violence, même…

Jean Collet, « Le blanc et le noir » - Les Cahiers du Cinéma n° 132, Juin 1962

    • ACCATTONE

       

      « La vraisemblance je lui tords le cou », dit à peu près Hitchcock. « Si on me montre au cinéma des gens que je peux rencontrer au café, dit à peu près Renoir, je préfère aller au café. » Hitchcock et Renoir ont de la chance, ils ne sont pas Italiens. Mais qu’un Italien se mêle de faire du cinéma, et aussitôt on l’attend à l’arrivée, matraque à la main on fouille ses images, on exige label et mot de passe : Néo-réaliste ou pas néo-réaliste ? Ah ! ah ! mon ami, vous nous refilez un maquereau, mais ce n’est pas un vrai maquereau… » L’identité du monsieur révèle qu’il est romancier, qu’il en est à son premier film. Alors là, on ne se retient plus, on lui fait la leçon : « Voyons, mon cher, vous n’y êtes pas, c’est littéraire, vous visez trop haut. Et cette musique de Bach, à temps, à contretemps… Vous n’êtes pas Bresson, vous feriez mieux d’imiter des choses simples, chaudement humaines, Zavattini, par exemple, au lieu de vous désincarner… » […]

      Eh bien ! oui. Accattone est tout Je contraire d'un film de Rouch ou de Leacock. C'est un film construit, préparé et même laborieusement mis en scène, on le sent à plus d'un endroit. C'est aussi, pour un premier film, un film ambitieux et, pour être tout à fait sincère, je m'empresse de dire que le résultat n'est pas toujours à la hauteur de cette ambition : il manque quelques pierres, à l'édifice. C'est d'autant plus regrettable que Pasolini a misé sur l'ordre et non sur les charmes du chaos.

      Mais c'est peut-être aussi la preuve, a posteriori, de la sincérité qu'on lui conteste. […]

      Au fond, on aurait voulu qu'il se serve de sa caméra pour suivre son type, comme Rossellini. Or, Pasolini ne le suit pas. Il l'attend, il va le chercher. Tantôt il le précède, tantôt il l'accompagne. Le voilà, l'écrivain. Il est à contre-courant de tout ce cinéma moderne qui va de Bresson à Rouch, en passant par Rossellini et Godard, cinéma qui s'interdit de prévenir, de prévoir les gestes de l'acteur. Cinéma où l'auteur attend que ses personnages et son décor lui jouent des tours, lui fassent des surprises.

      Mais il y a une tout autre famille de cinéastes qui, de Mizoguchi à Astruc, en passant par Rivette, cherche à prévoir et à prévenir, à orchestrer ce qui va apparaître. […]

      Accattone est l'histoire d'un éblouissement. C'est une vision fulgurante, comme le soleil d'Hiroshima, qui pouvait fondre un amour neuf dans un amour ancien. Où est la psychologie classique en tout cela ? Où est la progression dramatique ? Nous, avançons par bonds, par mutations brusques. Nous sommes dans la psychologie atomique, exposés aux radiations qui vous foudroient et vous illuminent. Je pense qu'on peut au moins s'accorder à reconnaître la constante beauté de ces illuminations. Beauté des acteurs, entre la nonchalance et le sursaut. Beauté de la lumière qui transfigure les objets les plus sordides (la verroterie sous le soleil). Beauté de la violence, même…

      Jean Collet, « Le blanc et le noir » - Les Cahiers du Cinéma n° 132, Juin 1962

    • Réalisation
      Pier Paolo Pasolini
    • Scénario
      Pier Paolo Pasolini - collaboration aux dialogues : Sergio Citti
    • Image
      Tonino Delli Colli
    • Montage
      Nino Baragli
    • Musique
      Oeuvres de Jean-Sébastien Bach sous la direction de Carlo Rustichelli
    • Producteur (s)
      Alfredo Bini
    • Productions
      Arco Film, Cino Del Duca
    • Distribution France
      Carlotta Films
    • Interprètes
      Franco Citti, Franca Pasut, Silvana Corsini, Paola Guidi, Adriana Asti, Adele Cambria, Roberto Scaringella, Luciano Conti, Lu­ciano Gonini, Renato Capogna, Roberto Scaringella, Mario Cipriani, Francesco Orazi, Polidor, Silvio Citti, Sergio Citti, Elsa Morante
    • Année
      1961
    • Durée
      115 min
    • Pays de production
      Italie
    • Format
      VOST
    • Citation
      Regarde un peu ce que je suis obligé de faire.
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