Story of BRUTTI, SPORCHI E CATTIVI
"Le plan qui ouvre Affreux, sales et méchants est un superbe moment de cinéma qui explique à lui seul le Prix de la mise en scène obtenu au Festival de Cannes en 1976. En quelques secondes sublimes, la promiscuité dévoilée de cette famille entassée dans la baraque en bois d'un bidonville, vaut mieux que tous les discours progressistes. Devant cette caméra indiscrète, c'est l'inceste qui s'étale, la violence des rapports humains qui éclate, l'exploitation économique, insupportable, qui frappe, la soumission sociale qui triomphe, la négation de l'éducation qui jaillit. Ces marginaux que Scola décrit avec une férocité bienveillante sont les lointains cousins des paumés du Pigeon et les frères d'armes des exclus que Pasolini a mis en scène dans Accatone (1961) et Mamma Roma (1962). Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si ce dernier devait, à la demande de Scola, réaliser une préface filmée pour Affreux... Son assassinat empêche ce travail commun, commencé quelques années plus tôt par de longues discussions entre eux sur ce sous-prolétariat installé autour des grandes métropoles et initié par Trevico-Torino, un documentaire réalisé en 1973 par Scola."
Gérard CAMY, Jeune Cinéma N° 278, 2002
BRUTTI, SPORCHI E CATTIVI
AFFREUX, SALES ET MÉCHANTS
Dans un bidonville aux abords de Rome, Giacinto Mazzatella (Nino Manfredi) est le patriarche d'une vaste famille entassée dans une baraque en bois. Pourtant Giacinto est riche ; il a perdu un œil dans un accident de travail et l'assurance lui a versé un joli pactole d’un million de lires qu’il cache soigneusement pour le soustraire à la cupidité et aux envies de toute sa famille. Du coup, tous lui vouent une haine féroce, mais Giacinto s'en moque, et le leur rend bien. Il pousse même la provocation jusqu'à installer dans sa maison Iside (Maria Luisa Santella), une plantureuse prostituée, avec qui il partage le lit conjugal. Trop, c'est trop, et Matilde (Linda Moretti), l'épouse bafouée, prend la tête d'une coalition familiale pour éliminer Giacinto. L'occasion se présente au cours d'un repas de fête au bord de la mer : les pâtes de Giacinto sont copieusement assaisonnées de mort-aux-rats. Mais Giacinto se refait une santé après un lavage d'estomac à l'eau de mer. Pour se venger, après y avoir mis le feu, il vend sa baraque à d'autres sous-prolétaires qui viennent un beau matin pour occuper leur propriété. Une vraie bataille éclate entre les deux clans qui finissent tout de même par se mettre d'accord et partager le peu de place qu'offre la masure. Giacinto est heureux. Il s'est fait plâtrer un bras et il a caché son magot à l'intérieur.
"Le plan qui ouvre Affreux, sales et méchants est un superbe moment de cinéma qui explique à lui seul le Prix de la mise en scène obtenu au Festival de Cannes en 1976. En quelques secondes sublimes, la promiscuité dévoilée de cette famille entassée dans la baraque en bois d'un bidonville, vaut mieux que tous les discours progressistes. Devant cette caméra indiscrète, c'est l'inceste qui s'étale, la violence des rapports humains qui éclate, l'exploitation économique, insupportable, qui frappe, la soumission sociale qui triomphe, la négation de l'éducation qui jaillit. Ces marginaux que Scola décrit avec une férocité bienveillante sont les lointains cousins des paumés du Pigeon et les frères d'armes des exclus que Pasolini a mis en scène dans Accatone (1961) et Mamma Roma (1962). Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si ce dernier devait, à la demande de Scola, réaliser une préface filmée pour Affreux, sales et méchants. Son assassinat empêche ce travail commun, commencé quelques années plus tôt par de longues discussions entre eux sur ce sous-prolétariat installé autour des grandes métropoles et initié par Trevico-Torino, un documentaire réalisé en 1973 par Scola."
Gérard CAMY, Jeune Cinéma N° 278, 2002« Depuis les premiers films de Pasolini, Accattone et Mamma Roma, c’est la première fois avec Affreux, sales et méchants que retourne sur l’écran un sous-prolétariat exclu des circuits de production et de consommation. Scola refuse tout discours consolateur uniquement bâti sur un comique qui ne serait là que pour une justification interne de simple valeur spectaculaire. Son intention n’est pas non plus de faire un film qui ne serait que l’analyse de l’exploitation économique dont souffrent les habitants des bidonvilles, son intention est autre : ce qu’il entend montrer, c’est que le marginal, l’exclu, est également exploité au niveau de sa psychologie, de ses modes de penser et de se comporter. L’idéologie dominante produite par la bourgeoisie conduit le pauvre à une sous-culture qui n’a retenu que les aspects les plus méprisables des modèles auxquels elle se réfère : "affreux et sale", le pauvre l’est du point de vue de son exploitation économique ; "méchant", il le devient du point de vue de son exploitation idéologique. »
Jean Gili, Villerupt, octobre 2023
- RéalisationEttore Scola
- ScénarioRuggero Maccari, Ettore Scola, avec la collaboration de Sergio Citti
- ImageDario Di Palma
- MontageRaimondo Crociani
- MusiqueArmando Trovaioli
- Producteur (s)Carlo Ponti
- ProductionsCompagnia Cinematografica Champion
- Distribution FranceCarlotta Films
- InterprètesNino Manfredi, Maria Luisa Santella, Linda Moretti, Ettore Garofalo, Alfredo D'Ippolito, Maria Bosco, Franco Merli, Giselda Castrini, Francesco Annibali, Giancarlo Fanelli, Marina Fasoli
- Année1976
- Durée1h 55
- Pays de productionItalie
- CitationQuel genre c’est ta femme ? – Elle est compréhensive. Suffit de la cogner.