TEOREMA

TEOREMA

THÉORÈME

0h 1min
1968
Story of TEOREMA
TEOREMA THÉORÈME  

Teorema : il s'agit bien de la démonstration rigoureuse d'un postulat diablement sacrilège - que les voies de Dieu sont celles du sexe, que la grâce divine s'obtient et se communique par l'orgasme, que Christ, Terence Stamp et Casanova ne sont qu'un.

Arrive en effet dans une riche famille bourgeoise de Milan un « Invité » (tels ces Dieux des mythologies, déguisés en voyageurs pour éprouver leurs hôtes) : de la bonne au pater familias, en passant par fils, fille, mère, le christique émissaire copule avec la maisonnée entière, d'ailleurs le plus simplement et naturellement du monde, et disparaît, mission accomplie, fécondation faite. Par la grâce touchés, aussitôt ces miraculés de la bourgeoisie se mettent à « changer de vie » (comme certaine naïveté contemporaine - Julian Beck, hippies, Michel Delahaye, et sans doute Pasolini - en forme le vœu ici et là). La bonne lévitera, idolâtrée par les pieuses femmes de son village natal ; le père, avant de se livrer au nudisme, laissera son usine aux ouvriers (ravis, nous en prévient le prologue de telle aubaine qui leur permet de faire saute-mouton par-dessus la lutte des classes) ; moins heureusement doté, le fils versera dans l'action (et même la miction)-painting ; Pasolini sans doute n'ayant guère d'idées quant à une éventuelle révolution de son destin, la fille entrera en catatonie extatique ; la mère, elle (Silvana Mangano, toujours admirable), entreprendra, très logiquement et réalistement cette fois, de renouveler son plaisir en multipliant rencontres et passes au hasard des rues.

Mais une conséquence un peu navrante de la nécessaire rigueur de cette démonstration est que celle-ci, plus elle va, déçoit plus, qu'elle appauvrit son postulat à mesure qu'elle en remplit scrupuleusement les successifs termes, qu'elle restreint le champ des hypothèses et des questions (à l'inverse de ce qui se passait avec la démarche biaisante de Uccellacci), et par là tire le film vers les platitudes de l'illustration : rien de moins étonnant, en fin de compte, que les suites logiques du plus étonnant axiome. Sans doute - car il est difficile de sonder toute l'ambiguïté des intentions de Pasolini - cet épuisement de l'intérêt narratif conséquent au parti pris du théorème est-il, sinon voulu, du moins accepté par l'auteur en connaissance de cause ; et même, une supplémentaire perversité pourrait bien, là, être entrée en ligne de compte : que pour sublime et fou que soit le miracle de la chute, au milieu du cercle bourgeois, d'un météore sexuel, ses suites et retombées n'en sont pas moins dérisoires.

Jean-Louis Comolli, Cahiers du Cinéma, n° 206, novembre 1968

 

À la Mostra de Venise en 1968, Laura Betti décroche le Prix d'interprétation féminine et Teorema le Prix de l'Office Catholique du Cinéma. Un procès s’ouvre pour obscénité et les copies du film sont saisies. Comme pour La Ricotta en 1963, Pasolini sera finalement acquitté et Teorema pourra de nouveau être programmé sur les écrans.

    • TEOREMA

      THÉORÈME

       

      Teorema : il s'agit bien de la démonstration rigoureuse d'un postulat diablement sacrilège - que les voies de Dieu sont celles du sexe, que la grâce divine s'obtient et se communique par l'orgasme, que Christ, Terence Stamp et Casanova ne sont qu'un.

      Arrive en effet dans une riche famille bourgeoise de Milan un « Invité » (tels ces Dieux des mythologies, déguisés en voyageurs pour éprouver leurs hôtes) : de la bonne au pater familias, en passant par fils, fille, mère, le christique émissaire copule avec la maisonnée entière, d'ailleurs le plus simplement et naturellement du monde, et disparaît, mission accomplie, fécondation faite. Par la grâce touchés, aussitôt ces miraculés de la bourgeoisie se mettent à « changer de vie » (comme certaine naïveté contemporaine - Julian Beck, hippies, Michel Delahaye, et sans doute Pasolini - en forme le vœu ici et là). La bonne lévitera, idolâtrée par les pieuses femmes de son village natal ; le père, avant de se livrer au nudisme, laissera son usine aux ouvriers (ravis, nous en prévient le prologue de telle aubaine qui leur permet de faire saute-mouton par-dessus la lutte des classes) ; moins heureusement doté, le fils versera dans l'action (et même la miction)-painting ; Pasolini sans doute n'ayant guère d'idées quant à une éventuelle révolution de son destin, la fille entrera en catatonie extatique ; la mère, elle (Silvana Mangano, toujours admirable), entreprendra, très logiquement et réalistement cette fois, de renouveler son plaisir en multipliant rencontres et passes au hasard des rues.

      Mais une conséquence un peu navrante de la nécessaire rigueur de cette démonstration est que celle-ci, plus elle va, déçoit plus, qu'elle appauvrit son postulat à mesure qu'elle en remplit scrupuleusement les successifs termes, qu'elle restreint le champ des hypothèses et des questions (à l'inverse de ce qui se passait avec la démarche biaisante de Uccellacci), et par là tire le film vers les platitudes de l'illustration : rien de moins étonnant, en fin de compte, que les suites logiques du plus étonnant axiome. Sans doute - car il est difficile de sonder toute l'ambiguïté des intentions de Pasolini - cet épuisement de l'intérêt narratif conséquent au parti pris du théorème est-il, sinon voulu, du moins accepté par l'auteur en connaissance de cause ; et même, une supplémentaire perversité pourrait bien, là, être entrée en ligne de compte : que pour sublime et fou que soit le miracle de la chute, au milieu du cercle bourgeois, d'un météore sexuel, ses suites et retombées n'en sont pas moins dérisoires.

      Jean-Louis Comolli, Cahiers du Cinéma, n° 206, novembre 1968

       

      À la Mostra de Venise en 1968, Laura Betti décroche le Prix d'interprétation féminine et Teorema le Prix de l'Office Catholique du Cinéma. Un procès s’ouvre pour obscénité et les copies du film sont saisies. Comme pour La Ricotta en 1963, Pasolini sera finalement acquitté et Teorema pourra de nouveau être programmé sur les écrans.

    • Réalisation
      Pier Paolo Pasolini
    • Scénario
      Pier Paolo Pasolini d’après sa propre nouvelle
    • Image
      Giuseppe Ruzzolini
    • Montage
      Nino Baragli
    • Musique
      Ennio Morricone
    • Producteur (s)
      Franco Rossellini, Manolo Bolognini
    • Productions
      Aetos Film
    • Distribution France
      Tamasa Distribution
    • Interprètes
      Silvana Mangano, Terence Stamp, Massimo Girotti, Anne Wiazemsky, Andrès José Cruz, Laura Betti, Ninetto Davoli, Susanna Pasolini, Carlo De Mejo, Adele Cambria, Luigi Barbini
    • Année
      1968
    • Durée
      1h 38
    • Pays de production
      Italie
    • Format
      VOST
    • Citation
      La bourgeoisie n’arrivera jamais à faire de tous les hommes des bourgeois
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